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  « L’impact des technologies numériques et des réseaux sociaux sur les relations sociales »

 Par René MONTREDON, administrateur de l’ASTS PACA

Sciences et techniques versus fantasme et marketing

De nombreux articles et ouvrages abordent le sujet, en utilisant souvent des termes mal définis : médias sociaux, web participatifs, web 2.0, réseaux sociaux numériques, communautés en ligne, …, issus du marketing, faisant état de l’usage possible de ces outils, plus que de leur usage effectif. Peu d’études approfondies sur la complexité du phénomène, mais plutôt un débat idéologique, entre ceux qui portent un véritable culte à Internet, avec la promesse d’un monde meilleur, et ceux qui stigmatisent les risques individuels et collectifs, et qui redoutent que cela ne fasse obstacle à une réelle citoyenneté. De tout temps, le développement des techniques et des réseaux de communication, des voies navales à Internet, en passant par le téléphone, le réseau ferré, la télévision, ou la micro-informatique, a donné lieu à des représentations fantasmatiques, prédisant soit le chaos et l’aliénation, soit au contraire le progrès social et l’émancipation.

Essayons d’être clairs

ill 1 6b2b8Définissons d’abord la notion de lien social comme les relations régulièrement entretenues entre des personnes, dans la proximité (famille et amis, milieux de vie culturels et professionnels). Les relations sociales en sont les manifestations concrètes, avec des principes et des règles plus ou moins explicites. Suffisamment solides, elles assurent une place et une identité aux individus et leur sentiment d’appartenance à une collectivité. Quant aux réseaux sociaux, c’est le maillage des relations sociales, par contacts directs, ou par divers moyens de communication. Or, aujourd’hui, lorsqu’on dit réseaux sociaux, on ne parle que d’Internet, comme si les autres n’existaient plus.

Certes, dans un contexte de crise, de mutations sociales et de montée des précarités, nous assistons, depuis quelques décennies, à une perte de repères sociaux et au délitement du lien social, au déclin de l’influence des instances traditionnelles de socialisation (famille, église, syndicats, école, partis) et des réseaux sociaux traditionnels. Ceci en lien avec un développement de l’individualisme et l’accroissement du besoin d’autonomie des individus. D’où le succès des réseaux sociaux numériques (RSN) offrant une facilité de relations spontanées et la constitution de réseaux étendus, émancipées des règles inhérentes aux liens forts entretenus avec la famille et l’entourage proche.

Risques d’aliénation autant que potentiel émancipateur

ill2 fdbe2Ces médias numériques permettent une navigation sur sites, le partage et l’échange d’articles, photos, vidéos, messages, du réseautage professionnel, et des démarches commerciales. Mais lorsque l’on parle de RSN, on fait plutôt référence aux sites qui favorisent les relations cordiales et amicales, la mise en scène de soi. Usage qu’en font la plupart des jeunes (mais pas qu’eux) : passer du temps avec leurs amis, disposer d’espaces non contrôlés d’échanges directs, mettre en scène leur identité et la structurer en fonction de la validation ou non du regard des autres. Ici, l’usage des RSN peut tout autant aider à s’émanciper du carcan familial ou communautaire, ou virer à l’exhibitionnisme. Certains sont dans une mise en scène permanente de leur vie (photos, évènements, intimité, ...) sans vraiment vivre ces moments. Et cela peut s’inscrire dans un comportement addictif (télé, smartphone, ordinateur, ...) pour compenser le manque et le vide dans leur vie. Les catégories socialement défavorisées peuvent y trouver l’illusion d’un pouvoir, ou vivre celui-ci par procuration. Alors, le quart d’internautes qui se branchent longuement, à titre personnel, passent moins de temps avec leurs proches et à des activités extérieures, se retirent progressivement de leur réseau social et rentrent dans une spirale dépressive. Mais l'usage et la signification des médias électroniques sont très différents selon les catégories sociales. Ils recouvrent des modes de sociabilité déjà à l’œuvre chez les personnes. Et il en ressort des effets positifs pour ceux qui, par ailleurs, se téléphonent et se rencontrent, à titre professionnel, familial et relationnel. Plus que le seul téléphone, clavardage et webcam permettent de maintenir un dialogue et d'entretenir des réseaux personnels et professionnels qui, autrement, en fonction de l’éloignement géographique, serait plus difficile. S’il existe beaucoup de réseaux de liens faibles, d’autres permettent de se retrouver autour de passions ou d’intérêts partagés, qui peuvent tout autant participer de l’isolement ou d’une démarche addictive, que d’agir comme de formidables vecteurs de la socialisation. Les wikis, sites éditoriaux, journalisme collaboratif, blogs, fonctionnant à partir de centres d’intérêts culturels, citoyens, professionnels, ouvrent potentiellement des espaces de création collective et d’appartenance. Ils peuvent transformer les relations sociales, voire participer à révolutionner les rapports sociaux, selon la nature et la qualité des échanges.

Les relations sociales face à l’exclusion et la solitude

exclusion sociale20% de la population n’utilisent pas Internet. Certains par choix, d’autres par non desserte, mais la plus grosse part sont ceux qui sont confrontés à la précarité, qui ne disposent pas des codes d’usage et d’écriture, utilisant plutôt le téléphone, les textos, et les réseaux de liens faibles, et qui passent deux fois plus de temps devant la télévision ou à écouter la radio que les autres. Sur les 17% de personnes vivant seules (6% en 1960), nous avons surtout des chômeurs, des employés et des ouvriers, et des femmes cadres. Ce qui montre l’importance des déterminants socioéconomiques et l’évolution des modes de vie et de travail. Mais si ces personnes ont tendance à passer plus de temps sur les RSN, ces derniers ne créent par la solitude. Ceux qui en souffrent en souffrent avec ou sans Facebook. L’usage des RSN n’est pas directement responsable de la baisse constatée des diners de famille et des invitations à domicile. La sociabilité s’est déplacée hors de la maison, et ceux qui fréquentent des sites numériques culturels maintiennent leurs sorties au cinéma et au théâtre, vont au restaurant, etc... Ce qui est rarement le cas des précaires. Si les RSN peuvent contribuer à compenser l’absence de relations proches, de jeter des ponts entre des individus, un quart des internautes n’ont jamais rencontré physiquement leurs correspondants, seuls 10% ont rencontré les gens connus sur Internet. 20% des personnes vivant seules déclarent souffrir de leur solitude, 15% qu’ils n’ont qu’un(e) seul(e) vrai(e) ami(e), et 10% qu’ils n’ont personne à qui se confier. La taille moyenne de nos réseaux de confidents a chuté de 2,94 personnes en 1985 à 2,08 en 2004. Mais alors, où sont passés les collections d’amis sur Facebook ? Les RSN permettent de connaître de nouvelles personnes, facilitent le maintien de relations existantes, mais ces pratiques ont tendance à développer des contacts très réactionnels, rapides et peu engageants. Sur 120 à 150 « amis » en moyenne sur Facebook, seuls 8 à 15 personnes sont en échanges réguliers et soutenus.

Un processus d’instrumentalisation

Les médias et RSN sont la mise en œuvre de technologies qui ne sont pas des intermédiaires neutres. Dans le cadre d’une économie numérique libérale, elles sont conçues pour agencer les relations sociales d’une certaine manière, et s’inscrivent dans le cadre de rapports sociaux établis. Les principaux outils numériques sont détenus par quelques compagnies privées, privilégiant des applications techniques mercantiles au détriment de leur potentiel d’intervention humaine et citoyenne. Et ce n’est pas parce que des slogans annoncent l’usager tout puissant que cela a changé fondamentalement les rapports sociaux. Si le lien social et les relations sociales sont inséparables de la conscience de ce qui fait société et de son avenir, notons que l’on parle plus aujourd’hui d’intégration et d’autonomie, que de rapport de domination et de conflictualité sociale, et juste un peu de solidarité. En proposant ce qui intéresse spontanément, avec souvent des contenus fermés, un seul type d’information et de point de vue, des problématiques décontextualisées, ces outils peuvent empêcher la découverte. Et puis, Internet, ce n'est pas que des scientifiques. C’est tout à la fois un espace d'échange et de partage, mais également de corruption de cet échange : buzz, fausses informations, manipulation émotionnelle, ... Idem pour la TV ou les journaux, qui privilégient l’émotion et la vitesse de transmission de données quelquefois non vérifiées, plutôt que la finesse de l’analyse. Le Net, de fait, est un outil de propagande efficace, qui peut avoir des effets sur la participation à des activités sociales et citoyenne. Les outils numériques permettent de diffuser et/ou d'accéder, simplement et rapidement, à une grande masse de données qui convoquent nécessairement nos émotions, nos sentiments, et notre inconscient. Un comportement lucide et mature exige un minimum de recul, de raisonnement et de regard critique, pour envisager ses actes en croisant d’autres données et en se confrontant avec d’autres (Schéma n°1). Mais l’accélération du mouvement dans la société et la vitesse de diffusion des informations dans les médias, notamment sur Internet, relativisent ou font sauter ces étapes nécessaires. Le captage de données à chacun de nos clics, traités par de puissants algorithmes, se traduit par l’envoi de messages publicitaires, participant d’un conditionnement insidieux. L’acte de penser s’enlise alors dans l’activisme et la consommation, avec un impact négatif sur les relations sociales (Schéma n°2).

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Se réapproprier les outils numériques pour occuper les espaces citoyens

Les RSN sont ce que l’on en fait. Ils peuvent tout à la fois ouvrir sur un processus potentiel d’émancipation comme d’aliénation. Si vous utilisez Facebook pour communiquer de manière semi-publique, utilisez votre autoréflexion, commentez et personnalisez les messages, il peut augmenter votre capital social. Mais, pour certains, il sert à remplir le vide, à exorciser la peur de la solitude. Si on est fragile, qu’on n’a pas de vie sociale, on est plus vulnérable. Les productions médiatiques sont des constructions humaines, dans des contextes sociaux, économiques et culturels donnés. N’éteignons pas notre cerveau en allumant l’ordinateur ou la télé, demandons-nous d’où vient l’information, diversifions et croisons nos sources, échangeons avec esprit critique, pour construire notre propre point de vue. Ceci implique un minimum de maîtrise de ces outils et de la maturité que tous les internautes n'ont pas. Ainsi, le Net a peu d'effet direct sur une sociabilité établit par ailleurs. Mais il l’influence, en exacerbant les tendances et les effets des facteurs sociaux, sans commander pour autant l’intégralité des comportements.


asts paca VL'Association Science Technologie Société PACA se propose d’explorer et faire connaître les relations entre l’évolution scientifique et technique et le développement de la société. Au travers de débats, expositions, forums, événements, outils pédagogiques, elle œuvre à resserrer le lien entre les scientifiques et les autres citoyens en alliant sciences, technologies, cultures et plaisir. Avec la volonté de partager avec tous le progrès et d'intégrer les sciences et les technologies dans une démarche culturelle globale. 

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